Solvabilité des acquéreurs/locataires et responsabilité de l’agent immobilier.
Dans un récent arrêt, la Cour de cassation a confirmé que l’agent immobilier doit s’assurer de la solvabilité des candidats locataires, en se livrant à des vérifications sérieuses. Mais qu’en est-il en cas de vente ?
Quelle que soit l’étendue de sa mission, l’agent immobilier qui a reçu un mandat de location doit s’assurer de la solvabilité des candidats en se livrant à des vérifications sérieuses, sans qu’il soit nécessaire de le préciser dans le contrat signé avec le propriétaire. Voici ce qu’a jugé la Cour de cassation, dans un arrêt du 11 mars 2020, cassant ainsi un arrêt de la cour d’appel. Celle-ci déboutait un propriétaire mécontent de son agent immobilier, après que le locataire sélectionné par ses soins ait arrêté de payer le loyer. Les juges d’appel reprochaient à ce propriétaire de ne pas avoir transmis d’instructions spécifiques à l’agent, notamment sur les pièces justificatives à exiger auprès du locataire pour s’assurer de sa solvabilité. Ce dernier arguait d’ailleurs au passage que le propriétaire aurait pu évaluer et refuser lui-même la candidature retenue.
Mais l’agent immobilier ayant reçu la mission de réaliser une opération locative doit prendre en charge ce travail seul, a tranché la Cour de cassation. Et il n’y a pas, sur ce point, à rechercher quelle était l’étendue des obligations prévues par le contrat. Les juges ont rappelé que, selon le Code civil, “le mandataire est tenu d’accomplir le mandat” qu’il a reçu et “répond (…) des fautes qu’il commet dans sa gestion”. Mais d’ailleurs, qu’en est-il lorsqu’il s’agit d’un mandat de vente ? Un agent immobilier répond-il aux mêmes obligations et doit-il vérifier la solvabilité d’un candidat acquéreur ?
Devoir de conseil et d’information
Dans une affaire similaire, la Cour de cassation a également dû se pencher sur le rôle de l’agent immobilier, cette fois dans le cas d’une vente, après désistement de l’acheteur pour cause d’insolvabilité. Dans cette affaire, des propriétaires avaient confié un mandat de vente à un agent immobilier et avaient signé, par son intermédiaire, une promesse de vente avec un acquéreur. Ce dernier déclarait ne pas avoir à recourir à un emprunt pour acheter le bien. Problème : l’acheteur ne s’est jamais présenté à la signature de l’acte authentique de vente devant le notaire. Il s’est bien engagé à payer la somme de 17.000 euros de clause pénale aux vendeurs et un dédommagement de 10.000 euros à l’agent immobilier… Mais cet engagement n’ayant jamais été respecté, les vendeurs ont assigné acquéreur et agent immobilier en indemnisation.
Par un arrêt de 2018, la cour d’appel d’Amiens a d’abord rejeté la demande d’indemnisation contre l’agent immobilier, jugeant que sa responsabilité ne pouvant être engagée. Selon la cour, l’agent ne disposait pas, en effet, de plus de moyens qu’un simple particulier pour vérifier la solvabilité de l’acquéreur. De plus, l’absence d’emprunt était mentionnée dans la promesse de vente. Les propriétaires savaient donc à qui ils vendaient, dans quelles conditions, et demeuraient libres de ne pas accepter la vente, s’ils estimaient que les garanties n’étaient pas suffisantes. Heureusement pour eux, un an plus tard, la Cour de cassation n’a pas du tout eu la même lecture. Selon elle, l’agent immobilier est non seulement tenu d’un devoir de conseil et d’information, mais doit surtout être en mesure de justifier avoir conseillé aux vendeurs de prendre des garanties ou les avoir mis en garde contre le risque d’insolvabilité de l’acquéreur. Ce que l’agent immobilier n’a pas pu prouver, dans cette affaire.
“On peut parler de défaut de conseil, mais c’est surtout une faute contractuelle au regard du mandat de vente”, analyse Romain Rossi-Landi, avocat à la cour. “Certaines obligations, comme celles de conseil, ne sont pas inscrites au contrat, mais sont effectivement considérées comme en faisant partie, car elles en sont l’accessoire indispensable”, complète Ganaëlle Soussens, avocat en droit de l’immobilier. L’agent aurait donc dû conseiller aux vendeurs de demander davantage de garanties à l’acquéreur et de s’assurer qu’il pouvait acheter le bien “cash”. Ou, à défaut, les prévenir du risque d’insolvabilité de l’acheteur, en l’absence d’emprunt.
Une jurisprudence protectrice du vendeur
Cet arrêt du 11 décembre 2019 s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence protectrice du vendeur, qui a déjà considéré à plusieurs reprises que l’obligation de conseil d’un agent immobilier s’étendait à la vérification de la solvabilité de l’acquéreur. L’agent immobilier ne peut par exemple présumer de celle-ci au seul motif que l’acquéreur a recours au crédit (Cass. Civ III : 19.1.88, n°86-11829). Il est en outre responsable du préjudice subi par un vendeur lorsque la vente est devenue caduque du fait de la non réalisation de la condition suspensive et dont le bien a été immobilisé pendant un an, lorsqu’il n’a pas effectué de recherches sur la situation financière de l’acquéreur, qui lui aurait permis de constater qu’il ne pouvait obtenir le prêt nécessaire (CA Rouen : 13.6.01, n°99-04632). Enfin, l’agent est responsable à l’égard du vendeur d’un chèque payé sans provision par l’acquéreur (Cass. Civ I : 25.11.97, n°96-12325).
“Toutefois, l’obligation de conseil de l’agent immobilier est une obligation de moyens et non une obligation de résultats, modère l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil). Le professionnel doit donc mettre en œuvre tous les moyens possibles pour réaliser la prestation à laquelle il s’est engagé, sans obligation de résultat. L’obligation de conseil est appréciée au cas par cas en fonction des circonstances, de la volonté, de la situation et des connaissances des parties.” La responsabilité de l’agent immobilier envers son mandant vendeur en cas de refus de prêt à l’acquéreur n’est donc, par exemple, pas automatique (CA Montpellier : 20.9.11, n°10.1737).
(Source : Capital.fr)